Comme d'habitude à Survival Wonderland, bien qu'il fasse beau, le soleil était caché par d'épais nuages gris. La pluie tombait dru depuis voilà six heures, et pour rien au monde je ne serais sortie des souterrains. Ce labyrinthe de tunnels me paraissait bien familier après y avoir passé tant de temps. De très nombreuses fois, je m'y étais réfugiée. Pour fuir, pour pleurer, pour tenter de sortir ... Comme je regrettais le temps où j'étais encore insouciante, durant lequel je vivais heureuse avec Kyo ... Au cours de ma rencontre avec June, je m'étais rendue compte qu'elle était la seule et unique personne sur laquelle je pouvais compter. Kyo ... il m'avait surement déjà oublié. La réalité était cruelle, mais réelle, et je me devais de l'accepter. Mais tant de souvenirs et de remords me faisaient l'effet d'un coup de poignard en plein coeur, poignard qui se tournerait et retournerait sans cesse. D'un côté, l’oublier serait dur, autant que renier mon ancienne vie, mais d'un autre, ma capacité émotionnelle s’effritait chaque jour un peu plus, et je n'aurai bientôt plus aucun sentiment. Au moins, ça m'aiderait à survivre. Mais pouvais-je vraiment rester ici jusqu'à la mort, jusqu'à une mort de vieillesse, pathétique et inutile ? J'aurais préféré me tuer avant cela. En tout cas, l'amour d'un proche me manquait, et bien qu'espérer un véritable amour mutuel dans cette prison fut un rêve vain et improbable, je voulais y croire, et continuer de penser au bonheur. A ce bonheur vers lequel je tendais la main sans pouvoir le toucher.

Aucun bruit ne résonnait dans les galeries, et seul le clapotis des gouttes d'eau sur le sol bétonné se faisait entendre. En effet, je m'étais postée juste à côté d'une petite fenêtre à barreaux, entre lesquels se faufilait la pluie. Mes vêtements neuf étaient trempés, ce qui me mettait encore plus dans un état d'énervement passif. J'étais nerveuse et stressée, mais la fatigue me gagnait, et esquisser le moindre geste était si douloureux que je préférais rester assise sur le terrain froid à geler que de me lever et retourner dans les dortoirs. Le mot "neuf" sonnait faux à mes oreilles, mais il existait pourtant ici. Chaque mois, une nouvelle tenue était mise à notre disposition, lavée et repassée, tenant compte de nos goûts. Effectivement, je fus, un matin, agréablement surprise de découvrir un bandana bleu clair et une robe de la même couleur sur le rebord de mon lit. L'habit commençait au haut de la poitrine, et n'était retenu que par un ruban qui se passait autour du cou. Il se terminait au milieu des cuisses, et une paire de collants chauds et épais, noirs, avaient été posés au même endroit. L'on m'avait également offert deux types de chaussures : de petites ballerines à talons de cinq centimètres, et des tennis à semelles plates. Le confort ou la beauté; mon choix était vite fait.

Une goutte m'atteignit sur le front, et me fit taper violemment du poing sur le sol. Un bleu vint immédiatement apparaître à l'endroit du choc, bien qu'encore peu visible. Ma main droite me ferait bientôt un mal de chien.

« Fichu endroit, fichus souterrains, fichue pluie ! pestai-je. Que quelqu'un vienne, bon sang ! »

Rien ne se passa. Durant quelques minutes, je repliai mes genoux contre ma poitrine, ma tête dans mes cuisses, et croisai les bras. J'attendais une éventuelle aide, mais rien ne venait perturber l'éternel bruit des gouttes qui s’écrasaient par terre. Quand soudain, un bruit de pas se fit entendre. Quelqu'un était entré. Comment n'avais-je pas pu entendre la lourde porte de métal grincer ? Les pas, bien que légers, se faisaient de plus en plus forts dans leur silence. Qui donc venait ? Un bienfaiteur, je l'espérais. Mais l'espoir était mince, et il était bien plus probable que je trouve un zombie en quête de chair fraîche ou un détraqué cherchant à se cacher ... En tout cas, il ne me restait plus qu'à attendre. Le regard plein d'espoir, bien qu'empli d'une grande tristesse, je regardais fixement l'endroit où "il" allait arriver.

« Qu'est ce que tu fous là, dis moi? »

Waoh.

« Je, je ... »

Je n'arrivais à rien. Mes membres ne répondaient plus, et mon cerveau semblait déconnecté de la réalité. Qui était cette personne ? Un dieu ? Ou un simple mortel ? Dans tous les cas, il était tout simplement divin. Le son de sa voix était chaleureux et ces paroles m'enveloppèrent comme à l'intérieur d'un nuage. Bien que ses mots fussent durs, je ressentais cette douceur que jamais personne n'avait pu me donner. Et son visage ... Il me faisait fondre sur place. Si j'avais été debout, je serais tombée sur le champ ! Ses yeux étaient d'un vert profond, un vert émeraude, mais une grande insensibilité se voyait dedans. Lui, il n'avait pas eu que des bonheurs dans sa vie. Malgré ça, tout au fond de ses pupilles se cachait une lueur de bonheur propre à ceux qui ont encore de l'espoir. Dès le moment où je le vis, je sus qu'il serait la source d'un amour que jamais je ne regretterai.

J'essayai de me reprendre. Me lever me sembla la plus dure des épreuves, et rester debout était un supplice. Mais je réussis à ouvrir la bouche. Malheureusement, ce ne fut que des idioties qui en sortirent. Même si je tentai de me faire la plus affectueuse confiante, mon instinct de survie se battait en moi contre mes sentiments pour le jeune homme, et fit trembler ma voix.

« Je m'appelle Reby ... Reby McGarden. Je ... Tu ... Enfin ... Je me cache ... C'est misérable hein ? ... Mais je suis trop, hrm ... vulnérable pour le ... euh ... le moment ... Et, et ... et toi ? Tu t'appelles com ... comment ? Pourquoi ... es tu, enfin, pourquoi venir ici ... ? »

C'était pitoyable ! Pour faire aussi mauvaise impression dès le départ, il fallait y aller ! Il n'y avait pas que mes cordes vocales qui chancelaient, tout mon corps frissonnait à la vue de l'inconnu. Étrangement, j'avais confiance. En temps normal, j'aurais immédiatement pris mon arc, aurais pointé l'autre avec trois flèches, et aurais gardé un oeil sur mon pistolet. Mais à ce moment là, je n'en sentais pas le besoin. Je m'adossais au mur derrière moi pour le regarder, et me rendis compte que j'étais dans une très mauvaise position. Grelottante, contre un mur, et sans possibilité de se battre, j'étais fichue en cas d'attaque. Mais m'attaquerait-il seulement ?

UP. C'est à Ayato de répondre. /o/